Conversation avec une future Akpénou (I)

13 octobre 2013

Conversation avec une future Akpénou (I)

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Un beau matin, je me suis lancé dans une discussion avec une amie de longue date, puis nous nous sommes gentiment frictionnés par rapport à un point. Je vous laisse apprécier.

Moi : …. Aah tes vacances seront longues. Vas-tu rentrer au pays?

Elle : C’est ce que je compte faire, mes parents veulent même me faire Akpéma.

Moi : Super. Je vais tout faire pour ne pas rater ça. Toi, à poil jusqu’à la montagne. Ça promet.

Elle : Lol, jamais, nada, ce sera à l’église. Ça va pas chez toi ?

Moi : Comment ça ? Akpéma, c’est de façon traditionnelle que ça se passe. Où est-ce que tu as déjà entendu parler d’un baptême dans les montagnes ?

Elle : Pfff, toi et ta logique là, on s’en fout. Toi, tu as déjà fait Evala ?

Moi : Non non, je vais le faire à la mosquée l’année prochaine.

Elle : Lol, Evala à la mosquée? Tu te fous de qui ? Pfff, t’es vraiment bête quoi.

Moi : Et toi qui veux faire Akpéma à l’église là, tu ne te fous pas de la tradition par hasard . . .

Bien, pour ceux qui se posent la question, Akpéma est un rite d’initiation de la jeune fille Kabiyè (Ethnie du Nord-Togo) qui lui ouvre les portes de la vie d’adulte et du mariage. Généralement, elle y est soumise entre 18 et 20 ans. Les cérémonies s’effectuent dans les montagnes du canton et sont dirigées par les <vieilles>. L’ Akpénou (nom donné à celle qui subit l’initiation) rallie les montagnes, souvent à des kilomètres de chez elle, toute nue.

En cela, on entrevoit son courage, sa détermination et aussi sa promptitude à supporter le fardeau que peut représenter son futur foyer. Au lieu où se déroule la cérémonie proprement dite (dans une grotte située dans les montagnes interdites aux spectateurs), lorsque l’Akpénou arrive à s’asseoir sur <la pierre sacrée> et se relève sans le moindre problème (en terme plus clair, sans que du sang ne coule de son organe génital), elle aura prouvé qu’elle est restée chaste depuis sa naissance jusque-là . Que d’honneur pour elle, ses parents, sa famille.

Au terme de la cérémonie, elle devient officiellement une femme et a le droit de se marier (à un homme qui aura au préalable fait « Evala », rite d’initiation pour les hommes).

L’Eglise catholique a cependant décidé depuis de nombreuses années de « christianiser » cette pratique purement traditionnelle, et ce, sans l’accord des chefs coutumiers. Aujourd’hui, elle organise donc le même rite à sa façon, ce que je trouve personnellement absurde, ce que je qualifie de loufoquerie de taille.

La tradition n’est pas à mêler au christianisme. Que ferait l’Eglise si les chefs traditionnels décidaient à leur tour de communier ou de confirmer les jeunes aspirants comme ils veulent? Elle crierait au blasphème. J’en suis sûr à 99% . En plus, n’est-ce pas elle, cette même église qui, dans les cours hebdomadaires de catéchèse, nous enseigne qu’il ne faut pas faire à autrui ce que l’on ne veut pas qu’on nous fasse ? Hmmmm vaut mieux ne pas en dire plus…

Puisqu’il en est ainsi, et bien moi, l’année prochaine, je fais Evala à la mosquée et plus tard ma fille fera son Akpéma à la synagogue.

 

 

 

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Commentaires

Serge
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Attend, c'est quoi la pierre sacrée?
Et puis à quoi ça sert de prouver qu'on est vierge si c'est pour perdre cette virginité dans un rituel? quel intérêt pour le futur époux?

mareklloyd
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Bien, la pierre sacrée, c'est cette pierre là sur laquelle doit s'asseoir chaque "Akénou" pendant la cérémonie dans les montagnes. Si elle est vierge, elle se relèvera sans problème. Au cas contraire, elle perdra du sang. Toi et moi savons l'importance que la tradition africaine donne au fait que la jeune doit rester vierge jusqu'au mariage et tout (d'où même les pratiques d'excision de la femme). Ceci étant, pour la jeune fille, qui entre dans la vie de femme, et surtout pour sa famille, le facteur "Virginité" s'avère très important, puisque indiquant que l'akpénou, au vu de la société, aura été d'une façon ou d'une autre bien éduquée. Bref, ceci n'est que honneur pour elle et sa famille.