Les fables de Marek – Mon père, ce valeureux survivant de guerre

La vie, cette vie que nous menons, n’est rien d’autre qu’une succession de batailles. Nous en avons tous perdues et nous en perdrons encore ; nous en avons gagnées et nous en gagneront encore. Je pense humblement que le tout consiste à remporter plus de victoires que de défaites, tout en sachant tirer des enseignements précieux des dernières.

Alors oui, la vie est une guerre sans fin, et pour sortir le plus souvent vainqueur, il y a une clé essentielle dont nous devons tenir compte : l’anticipation. C’est tout bête, mais à bien y penser, anticiper, c’est préparer au mieux un examen à l’école, c’est prévoir la stratégie de l’équipe adverse afin de mieux la contrer ou la surprendre sur un terrain de sport collectif. C’est savoir à l’avance la réaction de madame lorsque tu rentres tard et trouver la bonne excuse pour ne pas te faire foudroyer, etc.

À travers ces exemples, il paraît évident que nous connaissons et pratiquons tous l’anticipation. Cependant, mon propos est ici d’insister sur le fait que cet exercice est d’une haute importance. Lorsqu’il est maîtrisé à la perfection, la victoire au bout est assurée à 70-80 %, laissant les 20 % restants aux impondérables. Laissez-moi vous raconter une petite histoire pour illustrer comment l’anticipation m’a aidé à remporter une bataille en infériorité numérique.

Nous étions en congés ; mes cousins Donné et Pierrick étaient venus pour un week-end à la maison. Le samedi matin, nous nous ennuyions un peu, et comme tous jeunes de 10-12 ans qui se respectent, on jugea bon faire un jeu : la guerre. Nous étions 3 mais vu que ça se passait chez moi, sur le « principe de l’avantage du terrain », il fut décidé que j’allais combattre seul contre eux deux. Rapidement, les lourdes armes en papier étaient prêtes, nos bouches devant servir de détonateurs étaient prêtes aussi. On pouvait donc démarrer les hostilités : Panpanrann, la guerre a commencééé !

Donné était un habitué de la maison, et surtout un habitué du jeu de guerre sur ce terrain. Il savait que nous avions interdiction formelle de rentrer dans les toilettes réservées aux visiteurs donc personne n’osait s’y aventurer. Il savait aussi que parfois, ma malice me poussait à m’en servir quand même pour surprendre l’ennemi. De mon côté, j’avais anticipé qu’il allait justement penser que je m’y cacherais afin de tenter de les abattre. Mon choix fut donc de trouver une autre planque. Et le choix fut payant.

En effet, il ne fallut pas plus de 5 minutes à Donné pour être définitivement convaincu que je me trouvais dans ces toilettes car il avait entendu un bruit à l’intérieur. Pierrick et lui se positionnèrent donc devant la porte, et l’un dit à l’autre :

• Tu ouvres, et je tire !

Ils s’entendirent sur la procédure et commencèrent le décompte. Trois, deux, un… L’un ouvrit brusquement la porte et l’autre tira aussitôt. Dans toute la maison, on pouvait entendre les « Kpo kpo kpo kpo kpo ». Voilà comment mon père reçut des « coups de feu » alors qu’il ne faisait que couler un bronze dans la paix !

Décontenancés par ce qui venait de se passer, ils s’envolèrent dans la cour de la maison et moi, à l’affût, je pus surgir du garage pour les terminer. Par contre, vous vous doutez bien que le jeu passa directement au second plan non ? Mais ne vous en faites pas, Papa a survécu à cette violente attaque. Eh oui, vous pouvez le dire tout haut : il est un grand survivant de guerre !