Les fables de Marek – L’époque où Eyadema était mon grand-père

Article : Les fables de Marek – L’époque où Eyadema était mon grand-père
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20 juin 2021

Les fables de Marek – L’époque où Eyadema était mon grand-père

Se faire passer pour ce qu’on n’est pas est un jeu dangereux. Aujourd’hui avec les réseaux sociaux, c’est un fléau qui touche énormément de personnes. Mais en ce qui me concerne, j’en ai reçu le vaccin en 2003. Je vous raconte.

Un an que nous étions dans un nouveau quartier. À cette époque, nous étions les seuls de la rue à habiter une maison à étage. Dans la zone, surtout chez les petits, maison à étage rimait avec opulence. J’avais donc rapidement compris que ce détail me conférait d’office quelques prérogatives auprès des voisins de mon âge. En plus, j’étais l’un des rares gamins à posséder un ballon de football. Largement suffisant pour faire de moi le boss des boss !

Alors, je faisais tout pour faire passer mes volontés avant celles de mes amis du quartier, lorsque nous nous retrouvions. Quand il y avait embrouille et que mon désir de faire ployer le genou était plus fort que tout, il m’arrivait parfois de sortir de ma bouche que j’étais le petit-fils d’Eyadema, le président du Togo à cette époque. Ça marchait toujours, tous y croyaient, donc les choses allaient dans mon sens. Jusqu’au jour où…

Jusqu’au jour où j’étais tranquille dans mon coin, ne cherchant d’histoire à personne. Un jour où le souvenir des heures où j’usais de cette tactique maligne était déjà lointain. Un jour où, dans une posture de défenseur des plus faibles, je vins en aide à deux petits qui se faisaient embêter par un autre garçon, plus jeune que moi de deux ans environ.

Crédit : @creozavr

Ce jour-là, je ne me fis pas prier pour, dans un premier temps, rappeler mon jeune frère à l’ordre, et dans un deuxième, lui botter les fesses. Parce qu’en plus de refuser d’obtempérer, il s’évertua à me lancer des mots d’insultes en y incluant ma mère. Ce jour-là, tout le monde était content de mon acte parce que le jeunot n’était pas à son premier fait d’armes. Avant moi, personne n’osait le toucher parce que son père était un militaire (un béret rouge) réputé sanguinaire. Alors finalement, il n’y avait que le petit-fils du président qui pouvait se permettre de tabasser le fils du militaire, sans craindre d’éventuelles représailles. Mais ça, c’était dans la tête des gens.

À peine 30 minutes après mon acte salué par mes pairs, un vacarme commença à se faire entendre dans notre rue. Ça criait énormément et ça commençait à taper à répétition à notre porte. C’était la mère du camarade corrigé. Barnabé, il s’appelait. Aussitôt mes sœurs dehors, la maman de Barnabé commença à débiter :

«  Trop c’est trop ! Il vient frapper et blesser les enfants des gens sous prétexte que le président est son oncle […]. Moi aussi mon mari travaille pour le président. Quand il va rentrer, on verra qui est qui […]. C’est toujours vous qui nous pourrissez la vie dans ce pays […]. » Etc.

Ce jour-là, je n’avais aucunement fait mention d’une quelconque relation avec le Président de la république. Je ne le faisais plus depuis un moment. Celui qui a affirmé que les paroles s’envolent est un menteur. Comme les écrits, elles restent, mais attendent juste le bon moment pour exploser sauvagement au visage de leur auteur.

Par ailleurs, c’était aussi un mensonge que d’avancer que je disais qu’Eyadéma était mon oncle. Je le disais être mon grand-père, donc quelque-part, c’était plutôt Faure, le président actuel, mon oncle (lol). Mais qu’importe ! Mon passé de malin m’a rattrapé alors même que je défendais une cause noble. Et c’est tout ce que l’histoire retiendra.

L’histoire retiendra aussi qu’en grandes diplomates, mes sœurs ont réussi à calmer la dame en lui présentant des excuses et en assurant que cela ne se répéterait plus. Elles ont également pris le soin de rétablir la vérité en effaçant mes liens de parenté avec le président. Cela fit de moi, par la même occasion, la risée de tout le quartier. Enfin, elles ont rapporté les faits à mes parents à leur retour du service. Oh la la ! Je n’oublierai jamais la bastonnade légendaire que j’ai reçue. Même mon âme a été sortie de mon corps pour être chicotée proprement. Ce fut épique !

Voyez-vous très chers ? Il n’y a rien dedans. Ça dessert plus que ça ne sert de se faire passer pour autre chose que ce qu’on est vraiment. Alors évitons les histoires en agissant conformément à notre identité et réalité, puis, gardons en mémoire que les plantes que nous semons portent tôt ou tard leurs fruits, que ceux-ci soient sucrés ou amers.

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Commentaires

Elvira
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Chic baston

Nora
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Très marrant !

Lucas Footbridge
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Petit Fils désormais neveu ...je te salue ...mais tu as raison , moi je me faisais passer pour un lieutenant des forces spéciales pour faire accompagner à chaque fois une kindé faire ses formalités à l'aéroport vite fait...je tombais sur des policiers moins curieux à l'epoque: j'avançais, salue militaire, lieutenant blabla j'accompagne une amie , vous pouvez passer .. jusqu'au jour où un petit malin m'a demandé ma carte militaire, tout a failli péter lol ...merci , la suite au prochain numéro

mareklloyd
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Hahahaha, petit filou !